Un exemple de ce qui attend les Etats dans l'après TAFTA (traité de libre-échange transatlantique. Les états souhaitant établir des normes et des règles sociales et fiscales de protection n'ont qu'à bien se tenir !
La Russie condamnée à une amende de plus de 50 milliards de dollars
Le Figaro, Mis à jour le 28/07/2014 à 14:51, Publié le 28/07/2014 à 10:38
La Cour d'arbitrage de La Haye a condamné l'État russe à indemniser des actionnaires du groupe pétrolier Ioukos fondé par Mikhaïl Khodorkovski, aujourd'hui démantelé. Moscou promet d'utiliser «toutes les options juridiques disponibles» pour s'opposer à cette décision historique.
C'est la plus grosse amende jamais décidée dans l'histoire par un tribunal d'arbitrage. Elle était attendue depuis neuf ans par les plaignants. Dans un jugement rendu public ce lundi, la Cour permanente d'arbitrage de La Haye a sommé l'État russe de verser plus de 50 milliards de dollars (37 milliards d'euros) à des actionnaires de l'ancien groupe pétrolier russe Ioukos - démantelé depuis - fondé par Mikhaïl Khodorkovski. Le précédent record, 2,5 milliards de dollars, avait été décidé dans le cadre d'un litige opposant la société Dow au Koweït.
Les plaignants, le holding GML, réclamaient pas moins de 103 milliards de dollars d'indemnisation pour ce qu'ils estiment être une expropriation «illégale». La Cour d'arbitrage a reconnu que le démantèlement de l'empire Ioukos avait été politiquement motivé et que la fraude fiscale n'était qu'un prétexte, s'est réjoui l'avocat Emmanuel Gaillard, du cabinet Shearman & Sterling, qui défendait les plaignants.
Le montant colossal des dommages demandés s'explique par le fait que Ioukos, au début des années 2000, était le premier groupe pétrolier russe privé. Et GML en était l'actionnaire majoritaire. Mikhaïl Khodorkovski, l'ex-homme le plus riche de Russie, fondateur de Ioukos emprisonné (pour "vol avec escroquerie" et "évasion fiscale", Ndlr.)entre octobre 2003 et décembre 2013 n'est pas lié à cette procédure judiciaire. Il avait revendu ses parts de Ioukos à GML en 2005, alors qu'il était derrière les barreaux.
«La Russie ne peut pas faire appel»
Le groupe Ioukos à qui l'État russe reprochait une fraude fiscale massive a été démantelé , en grande partie au profit de Rosneft, le géant pétrolier public, au cours «d'enchères truquées» , accuse GML. Pour Amnesty International et les chancelleries occidentales, Mikhaïl Khodorkovski était un prisonnier politique, qui a eu le tort de s'opposer à Vladimir Poutine. La Cour européenne des droits de l'homme avait statué sur l'iniquité de ses procès.
Lundi matin, avant même d'avoir pris connaissance du jugement de la Cour d'arbitrage de La Haye, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré qu'il n'excluait pas de faire appel. «La partie russe, et les autorités qui représentent la Russie dans ce processus vont, bien sûr, utiliser toutes les options juridiques disponibles pour défendre leur position», a-t-il confirmé lors d'une conférence de presse. Mais formellement, la Russie ne peut pas faire appel, explique Emmanuel Gaillard, du cabinet Shearman and Sterling, avocat de GML. L'État russe peut intenter une «action en annulation» de la sentence arbitrale, procédure qui n'interromprait pas l'exécution du jugement.
Cinq Russes, anciens partenaires de Khodorkovski, sont les actionnaires de GML et les bénéficiaires potentiels du dédommagement, si jamais il était effectivement versé. Parmi eux, Léonid Nevzline, un associé qui a fui en Israël pour couper court aux poursuites (chef de file des oligarques "russes" en exil qui ont juré la perte de Vladimir Poutine, Ndlr.) et Platon Lebedev, incarcéré comme Khodorkovski, et libéré en janvier dernier après dix ans de prison.
Que la Russie fasse appel ou non, le recouvrement des dommages devrait donner lieu à un nouveau et très long bras de fer entre Moscou et les actionnaires s'estimant expropriés. Jeudi prochain, la Cour européenne des droits de l'homme doit rendre une décision dans un autre volet du protéiforme dossier Ioukos et Khodorkovski.
Source: http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/07/28/20002-20140728ARTFIG00086-la-russie-condamnee-a-une-amende-de-plus-de-50-milliards-de-dollars.php
Note de Christ-Roi. Pour rappel, Mikhaïl Khodorkowski, de père juif et de mère russe orthodoxe, débuta sa carrière comme membre influent du Komsomol de Moscou (organisation de jeunesse soviétique où étaient recrutées les futurs cadres du parti communiste). Ce fut grâce aux fonds de cette organisation et à ses liens avec le parti communiste, qu'il fonda sa banque, la MENATEP. Il s'empara ensuite des actifs de la compagnie Yukos grâce au système prêts contre actions. La privatisation de Yukos fut émaillée de nombreux assassinats et se fit au mépris le plus absolu du droit des actionnaires minoritaires, notamment étrangers. Le maire de Neftyougansk, où se trouvait le plus gros actif de Yukos, et qui avait entrepris une grève de la faim pour obtenir le paiement des taxes dues à sa ville au bord de la ruine, fut assassiné... le 26 juin 1998, jour de l'anniversaire de Khodorkowski. Khodorkowski se lia avec les milieux d'affaires états-uniens et dépensa sans compter auprès des agences de communication pour se construire une image positive, abusant les très complaisants médias occidentaux.
Enfant chéri des médias occidentaux et des agences de communication américaines qui tentèrent d'en faire un nouveau Soljenitsyne, Khodorkowski tomba pour des motifs moins glorieux. A partir de 2003, il finança toutes les oppositions possibles à Poutine à la Douma, des communistes jusqu'aux libéraux. Il espèrait ainsi former un groupe parlementaire qui lui permettrait de bloquer la réforme fiscale alors entreprise par Vladimir Poutine. Entre 2003 et 2004, la taxation des bénéfices des compagnies pétrolières russes passa effectivement de 5% à 30% en moyenne. L'oligarque eut l'intention de faire entrer massivement des compagnies américaines dans l'actionnariat de Youkos, compagnie pétrolière russe, que ce soit Chevron ou Exxon. Enfin, il voulut s'affranchir du monopole du transport des hydrocarbures de « Transneft » et construire avec les Chinois, un pipeline qui relierait directement ses forages à la Chine. Il est peu vraisemblable que Khodorkowski ait eu une ambition politique personnelle, il était trop intelligent pour ne pas savoir qu'il représentait tout ce que le peuple russe haïssait... La condamnation de Khodorkowski en 2003 (il est gracié par Poutine en décembre 2013) et de ses associés, extrêmement populaire auprès des Russes, marqua réellement la fin du système oligarchique en Russie. Il semble que Vladimir Poutine considèra personnellement que Khodorkowski dut payer pour les crimes de sang trop nombreux qui entourèrent la privatisation de Youkos, notamment celle du maire de Youganskneft, le jour de l'anniversaire de l'oligarque. C'est dans ce sens que Vladimir Poutine compara en 2010 la situation de Khodorkowski à celle d'Al Capone, ce mafieux américain, condamné non pas pour ses crimes de sang, improuvables, mais pour fraude fiscale.
L'exemple de Khodorkowski porta ses fruits, les conglomérats de matières premières payèrent désormais leurs taxes... Le Kremlin en profita pour remettre la main sur plusieurs actifs industriels. Ceux de Youkos passèrent sous le contrôle de la compagnie publique Gazprom en 2004. En 2005, Sibneft, la compagnie de Berëzovski puis d'Abramovitch fut également rachetée par Gazprom et devint Gazpromneft.
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